En quoi Georges-Louis Bouchez vous fâche-t-il lorsqu’il critique le double projet de centrale au gaz en région liégeoise (Seraing + Flémalle-Awirs) ?

Son message principal est fondamentalement malhonnête. Ce n’est pas un différend politique, tout simplement qu’il y a mensonge. Non, le MR ne s’est pas opposé aux nouvelles centrales au gaz en région liégeoise. Les documents l’attestent : le ministre wallon de l’Économie, Willy Borsus, MR, a validé les permis pour les deux projets. Je ne fais bien sûr pas un procès à M. Borsus, je dénonce le double jeu et le mensonge de M. Bouchez quand il dit que M. Borsus s’y est opposé. C’est indéfendable : tout le dossier énergétique repose sur une décision validée par le MR et initiée par l’ex-ministre fédérale MR de l’Énergie, Mme Marghem. Elle a lancé le mécanisme du CRM et dans la version initiale, on parlait de neuf nouvelles centrales au gaz, ce qui se retrouvait d’ailleurs dans le programme électoral du MR. Aujourd’hui, on a revu ça à la baisse, car le système est plus efficace, moins cher et moins polluant. A quel jeu joue le MR ? Il sabote l’accord du gouvernement fédéral en mettant en péril la stabilité et la confiance du secteur énergétique, carrément du secteur économique, ce dont ces secteurs ont besoin. On dirait un agent de la N-VA en Wallonie !

Visiblement, vous digérez mal la sortie du président du MR ?

Le MR a une responsabilité dans ce dossier. On se retrouve dans cette situation car on n’a pas fait grand-chose entre 2003 et 2020 pour permettre la transition énergétique, alors que le MR a occupé, à un moment, le poste de ministre de l’Énergie. Si on avait plus développé le renouvelable, on aurait peut-être pu remplacer les plus anciennes unités nucléaires. Malheureusement, aujourd’hui, on devra passer par ces nouvelles centrales au gaz à certains moments.

Ne peut-on s’inquiéter pour la santé des Wallons avec ces deux centrales qui émettront du CO2 ; les indicateurs de santé sont moins favorables en Wallonie ?

Je déplore que le MR tente de faire peur aux gens avec de fausses infos, c’est irresponsable. On parle de deux nouvelles centrales au gaz modernes, avec une transition rapide vers un gaz vert et durable d’ici la fin de 2027. Avec ces deux projets, on se retrouvera avec cinq sites de ce type en Wallonie et neuf en Flandre. De là à dire que la Wallonie et Liège deviendront la poubelle énergétique du pays… Il n’y aura aucun danger pour la santé publique si tout ce qui est prévu est bien respecté.

Le président du MR évoque 4 millions de tonnes d’émissions de CO2 en plus chaque année ?

M. Bouchez oublie qu’elles ne fonctionneront pas tout le temps. Le CRM donne la priorité au renouvelable, puis au nucléaire et enfin au gaz si c’est nécessaire. Le but est bien d’utiliser ces centrales le moins possible, mais elles sont nécessaires pour assurer notre approvisionnement dans les prochaines années : pour les citoyens, les PME, nos agriculteurs. C’est très hypocrite par rapport au positionnement du MR dans d’autres dossiers environnementaux comme le développement de l’aéroport de Liège qu’il soutient. Là est la vraie poubelle à CO2 de la Wallonie pour reprendre leur expression. L’aéroport, c’est 2 millions de tonnes de CO2 en 2021 et avec la croissance prévue, on sera à 3 millions de tonnes en 2030, à 4 millions en 2040. Six fois plus que l’évaluation des émissions potentielles des futures centrales au gaz.

Vu le contexte international, le MR doute qu’elles soient prêtes à temps : a-t-il tort ? Ne doit-on pas craindre un recours qui pourrait tout bloquer ?

Des recours ont été recalés. Il y en a un en cours au Conseil d’État, mais il n’est pas suspensif. Les permis sont validés et définitifs, les travaux peuvent commencer. Il y a moins d’incertitudes que ce que laisse penser M. Bouchez… Prolonger plus de deux réacteurs nucléaires, c’est un projet plus stable ? Regardez les problèmes que connaît le nucléaire français. Nous, on a déjà eu un sabotage jamais élucidé ; on a deux réacteurs prévus pour 40 ans, déjà prolongés de 10 ans et qui auront 50 ans en 2025, puis, deux autres qui ont connu des microfissures. Il y a plus de doutes liés au nucléaire qu’aux futures centrales au gaz…

Donc, pour vous, plus rien ne peut bloquer ces projets ?

Non… Ou alors sur des étapes ultérieures comme la connexion ou des travaux annexes. Les permis sont validés, on peut y aller…

Par Didier Swysen
Journaliste à la rédaction Générale de Sud Presse